Chroniques des Grebert et de leurs cousins au Moyen âge
✒️ Chronique des Grébert et de leurs cousins
En l’an de grâce mil quatre-vingt-seize, au temps où les barons du Hainaut et du Cambrésis se rendaient au grand tournoi d’Anchin, se montra pour la première fois un jeune chevalier nommé Gilles Grebert, que l’on appela aussi Aegidius de Greberto.
Issu d’un lignage ancien et vaillant, il sut en ce jour faire montre de sa prouesse parmi les sires de Prémont et les cousins d’Oisy et d’Avesnes.
De ce Gilles naquit la maison des Grebert, qui tint bientôt plusieurs terres et seigneuries en Cambrésis et aux marches du Hainaut : la terre d’Aubry-le-Comte, le fief de Blécourt, la maison de Rametz, et la seigneurie de Saint-Aubert, que d’aucuns appelaient aussi Beaumont, en souvenir des seigneurs d’Oisy et des cousins d’Avesnes.
Les Grebert, alliés aux Walincourt et aux Avesnes, se reconnaissaient comme parents proches et compagnons d’armes.
Ils portaient alors pour armes : d’azur semé d’étoiles d’or au lion d’or brochant, signe de noblesse et de vaillance.
Durant ce temps, les croisades s’ouvraient et maints chevaliers du Hainaut prirent la croix.
On conte que Gilles Grebert se prépara au départ, mais demeura pour défendre ses terres et soutenir ses cousins dans les affaires du comté.
Ainsi posa-t-il les fondations d’une lignée qui, dans les siècles à venir, se distingua aux champs de bataille, aux joutes et jusque dans les conseils de l’Empire.
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Au siècle suivant, les Grebert et leurs cousins de Walincourt s’illustrèrent dans les tournois.
En l’an de grâce mille cent soixante-dix-sept, au tournoi tenu en la ville d’Eu, parut un noble chevalier du Hainaut, nommé Mathieu de Walincourt.
En ce jour, il affronta le célèbre Guillaume le Maréchal, qui par deux fois le renversa, lui prenant son destrier.
Mathieu se plaignit au Jeune Roi Henri, fils du roi d’Angleterre, qui ordonna la restitution de la monture.
Ainsi fut consigné dans l’Histoire de Guillaume le Maréchal, pour mémoire de tous ceux qui prisèrent les joutes et la prouesse.
En ce même temps, les Grebert s’affirmaient à Valenciennes et en Cambrésis, portant conseil aux bourgeois et tenant leurs fiefs en Aubry, Blécourt et Rametz...
Ils s’alliaient aux maisons d’Oisy et d’Avesnes, et déjà se disaient cousins de Walincourt, car tous descendaient d’anciennes souches communes.
Mais la gloire des tournois portait souvent querelle : dans le comté de Hainaut, le comte d’Avesnes disputait aux seigneurs et bourgeois leurs franchises.
Et maintes fois, les Grebert, tenant parti des gens de Valenciennes, se trouvèrent en opposition contre leur parent, le comte même, pour défendre l’honneur de la cité.
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Puis vint la Quatrième Croisade, qui devait délivrer la Terre sainte, mais s’arrêta aux murailles de Constantinople.
Nombre de chevaliers du Hainaut et du Cambrésis prirent la croix et passèrent la mer.
Parmi eux fut nommé Mathieu de Walincourt, cousin des Grebert.
Il était de vaillant lignage et déjà renommé aux tournois.
Geoffroi de Villehardouin, maréchal de Champagne, en fit mémoire dans sa chronique de la conquête de Constantinople.
Mathieu combattit vaillamment aux côtés des Francs devant Blaquernes, où son cheval fut occis sous lui.
Puis, en l’an mille deux cent cinq, à la bataille d’Andrinople, il tomba avec maints barons et chevaliers, percé de traits et de lances.
Ainsi finit la vie de ce premier Mathieu, mort au champ d’honneur en Thrace.
Mais une autre branche, issue de ce même lignage, se fixa en la principauté d’Achaïe en Morée.
Ce fut Mathieu II de Walincourt, que l’on nommait aussi de Mons, qui reçut en fief les baronnies de Véligosti et de Damala.
Par mariage avec une fille de l’empereur Théodore Laskaris de Nicée, il s’unit au sang impérial grec.
D’aucuns le nommèrent alors « prince de Nicomédie », en souvenir des terres de son épouse, bien que les chroniques latines ne lui donnent point ce titre.
Revenu parfois en Hainaut, il tenait hôtel à Mons et se souvenait de ses cousins du Cambrésis.
Il engendra deux fils : Mathieu III et Étienne, seigneur de Prémont.
Et vint l’an mille deux cent quarante-quatre, où les Francs se rangèrent à La Forbie, contre les Sarrasins et les hordes des Kharismiens.
Grande fut la bataille, et cruelle la défaite : ce fut un désastre semblable à Hattin.
Là périt Mathieu III de Walincourt, fils de Mathieu II, avec son cousin Jehan Grébert, châtelain de Beaumont-en-Cambrésis.
Tous deux tombèrent ensemble, portant les armes de leurs maisons, et leurs noms furent inscrits parmi les martyrs de Terre sainte.
Ainsi les lignages de Walincourt et de Grebert, unis par le sang et par l’alliance, versèrent leur gloire et leur vie aux confins de l’Orient.
Et longtemps, en Hainaut et en Cambrésis, l’on conta la mémoire des chevaliers morts pour la croix au delà des mers.
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Or il advint aussi querelles et procès en la terre du Cambrésis.
Un grand différend s’éleva entre l’abbaye de Saint-Aubert et le baron Adam de Walincourt, qui prétendait lever droits et revenus sur les terres du couvent.
Les moines, troublés, implorèrent qu’un arbitre fût désigné.
Alors fût choisi messire Gilles IV Grebert, chevalier renommé, cousin des Walincourt et proche ami de l’abbaye.
Il tint audience à Cambrai, en présence de l’abbé et du baron.
Après avoir entendu les parties, il prononça sentence : que l’abbaye gardât ses franchises, et que le baron eût compensation ailleurs.
Ainsi fut la paix rétablie.
Les moines consignèrent que « maître Gilles Grebert, chevalier, jugea entre l’abbaye et le baron, et fit triompher la justice de Dieu au-dessus des passions humaines ».
Ainsi les Grebert furent connus non seulement comme hommes de guerre, mais aussi comme juges équitables et défenseurs des droits de l’Église.
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Et vint enfin le temps des grandes révoltes communales.
En l’an mille deux cent quatre-vingt-neuf, les bourgeois de Valenciennes se soulevèrent contre leur seigneur le comte Jean II d’Avesnes, refusant les tailles et subsides trop lourds.
Alors Gilles Grebert et son frère Pierre, mayeur de Saint-Amand, prirent parti pour la cité contre leur propre cousin le comte.
En 1290, Gilles fut dépêché en ambassade vers l’empereur Rodolphe de Habsbourg, roi des Romains.
Par sa médiation, une trêve fut conclue, et la paix régna pour peu de temps.
Mais en 1291, Rodolphe mourut, et lui succéda Adolphe de Nassau.
Les bourgeois de Valenciennes, enhardis, rompirent la trêve.
Ils se levèrent en armes, et le château comtal fut assiégé et pillé.
Alors, le 8 juillet 1292, l’empereur Adolphe manda à sa cour de Gelnhausen les seigneurs et bourgeois rebelles.
Parmi eux comparurent Gilles et Pierre Grebert, sommés de répondre des injures faites à l’Empire et au comte de Hainaut.
Il leur fut imposée amende honorable et nouvelle trêve.
Ainsi fut connu le nom des Grebert, non seulement comme chevaliers des tournois et des croisades, mais aussi comme défenseurs des libertés communales.
Et longtemps à Valenciennes, on se souvint qu’ils préférèrent la cause de la cité à celle du prince, fût-il leur parent.
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📌 Conclusion
De génération en génération, les Grebert et leurs cousins de Walincourt se sont illustrés dans les grandes affaires de leur temps :
aux tournois chevaleresques,
aux croisades d’Orient,
dans les arbitrages de l’Église,
et dans les luttes communales du Hainaut.
Ainsi se trace la mémoire d’un lignage qui, du XIᵉ au
XIIIᵉ siècle, porta haut l’épée, le droit et la voix des cités, toujours fidèle à l’honneur de sa maison.
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